
La formation du Gouvernement Lecornu II sonne comme un désaveu politique cinglant pour les Outre-mer. Le sentiment de mépris et de déclassement qui s’exprime avec virulence dans les territoires ultramarins n’est pas une simple querelle de préséance : il est l’indicateur clair d’une priorité à la baisse dans l’agenda national.
Une Chute Protocolaire : Plus qu’un Symbole, un Signal Fort
Le passage du ministère des Outre-mer du statut de Ministère d’État (synonyme de rang élevé et d’accès direct au cœur du pouvoir) à celui de simple ministère, accompagné d’une relégation spectaculaire dans l’ordre protocolaire (de la 2e à la 13e place), est bien plus qu’un ajustement administratif. C’est une déclaration politique implicite : les Outre-mer sont désormais une variable d’ajustement, une préoccupation secondaire.
À l’heure où des dossiers cruciaux (crise économique, vie chère, urgence climatique, tensions en Nouvelle-Calédonie) exigent une mobilisation maximale de l’État, dégrader la place du représentant de ces territoires, c’est envoyer un signal dévastateur sur la volonté réelle du gouvernement de s’y attaquer avec la force et l’attention nécessaires.
Le Changement de Ministre : L’Inquiétude d’un Nouveau Départ à Zéro
Le départ de Manuel Valls, ministre d’État des Outre-mer sortant, est perçu comme une perte de poids politique. Qu’on apprécie ou non son action, il était reconnu comme un profil politique lourd avec une connaissance acquise, bien qu’hâtivement, des dossiers.
Sa remplaçante, Naïma Moutchou, est certes une personnalité issue d’une nouvelle génération politique, mais sa nomination est accueillie avec une vive inquiétude. L’absence d’expérience spécifique ou de lien préalable connu avec les réalités complexes des 12 territoires ultramarins nourrit le reproche de la tribune : celui d’avoir placé une ministre néophyte à la tête de dossiers brûlants et exigeant une expertise immédiate et une crédibilité politique forte auprès des acteurs locaux.
Comme le déplorent de nombreux compatriotes et élus, cette nomination risque de signifier un nouveau « départ à zéro » sur des chantiers vitaux, au moment même où la continuité de l’État est requise.
L’Évaluation d’une « Phase Sombre »
Qualifier cette réorganisation de « nouvelle phase sombre » n’est pas un jugement excessif de ma part, mais l’expression d’une légitime crainte. Le déclassement protocolaire, couplé à la gestion de la crise politique nationale, donne l’impression que les problématiques ultramarines vont être noyées dans l’urgence métropolitaine, perdant l’accès privilégié aux arbitrages les plus stratégiques.
Les Outre-mer ne sont pas des territoires lointains à administrer, mais des régions françaises confrontées à des défis structurels (inégalités, chômage endémique, continuité territoriale) qui requièrent une politique constante, volontariste et de haut niveau.
Aggravant ce sentiment de relégation, l’absence d’une figure ultramarine de poids au sein du Gouvernement Lecornu II est perçue comme un mépris symbolique d’un autre temps.
Alors que l’impératif de la « diversité » est constamment invoqué, l’incapacité ou le refus d’intégrer un élu natif et légitime des Outre-mer au niveau ministériel ou même délégué, pour défendre ses propres dossiers, renforce l’idée d’une gestion paternaliste et unilatérale. Cela sonne comme un retour à une époque où les Outre-mer étaient vus comme des territoires à administrer de loin, par des administrateurs nommés de Paris, et non comme des composantes actives de la République française, sapant l’espoir d’une véritable co-construction des politiques publiques
Ce recul dans la priorité politique intervient paradoxalement au moment où la France ne peut plus se permettre d’assumer financièrement et politiquement un modèle de tutelle centralisée, lourd et coûteux pour les Outre-mer.
Face aux contraintes budgétaires croissantes et à la nécessité d’efficacité, persister dans une approche paternaliste serait une erreur historique. Le moment est venu non pas de restreindre l’autonomie, mais, au contraire, de l’élargir et de transférer davantage de responsabilités réelles aux collectivités ultramarines. En leur donnant les leviers juridiques et fiscaux nécessaires pour bâtir leur propre développement économique, les Outre-mer pourraient se désengager progressivement de la perfusion budgétaire centralisée et devenir de véritables pôles de croissance autonomes, un scénario bien plus viable pour l’avenir de la Nation.
En rabaissant la fonction ministérielle, le gouvernement Lecornu II prend le risque de transformer les Outre-mer en simple appendice géographique de la politique nationale, confirmant, aux yeux des ultramarins, que leurs préoccupations restent une variable d’ajustement permanente de l’État central. Ce pari est un signal de faiblesse qui pourrait miner la confiance républicaine à un moment critique
Kamal VALCIN & Alizée BALTUS – Citoyens engagés.
Soyons UTILES pour notre pays