
Dans les profondeurs de l’océan Atlantique, scintille une perle des Caraïbes : la Martinique. Île de beauté, de culture et d’une résilience à toute épreuve, elle est pourtant ligotée par un impôt dont la légitimité est de plus en plus remise en question : l’octroi de mer. Loin d’être un simple prélèvement fiscal, l’octroi de mer est devenu une aberration économique et sociale, dont les conséquences délétères étouffent l’île et ses habitants.
Un impôt archaïque aux effets pervers
Héritage colonial, l’octroi de mer fut initialement conçu pour protéger les productions locales en taxant les produits importés. Sur le papier, l’idée peut paraître louable. Dans la réalité martiniquaise d’aujourd’hui, elle se révèle être un carcan. L’île, par sa taille et son histoire, est structurellement dépendante des importations pour une grande partie de ses besoins. De la nourriture aux matériaux de construction, en passant par les biens de consommation courante, tout ou presque est soumis à cette taxe.
Le premier effet pervers est l’inflation généralisée. Chaque produit importé voit son prix de vente majoré par l’octroi de mer, répercutant directement ce coût sur le consommateur final. Dans un contexte où le coût de la vie est déjà notoirement élevé en Martinique par rapport à la métropole, l’octroi de mer agit comme un puissant accélérateur de la précarité, pénalisant de plein fouet les ménages les plus modestes.
Un frein au développement économique et à la compétitivité
L’octroi de mer ne se contente pas de grever le pouvoir d’achat des Martiniquais ; il entrave également le développement économique de l’île. Pour les entreprises locales, qu’elles soient productrices ou distributrices, l’octroi de mer sur les matières premières et les équipements importés augmente significativement les coûts de production et d’investissement. Cela réduit leur compétitivité face à des entreprises situées dans des territoires où de telles taxes n’existent pas, rendant plus difficile leur expansion, l’embauche et l’innovation.
Paradoxalement, la taxe censée protéger la production locale peut même la desservir. Lorsque les intrants sont taxés, le coût final du produit local peut devenir prohibitif, le rendant moins attractif que des produits similaires importés qui, bien que taxés à l’arrivée, bénéficient d’économies d’échelle ou de chaînes d’approvisionnement plus efficaces.
Un système opaque et inéquitable
La complexité du calcul de l’octroi de mer et la multitude de taux applicables selon les catégories de produits contribuent à une opacité qui ne facilite ni la compréhension ni l’acceptation de cet impôt. Cette complexité engendre également des coûts administratifs supplémentaires pour les entreprises, qui se répercutent, là encore, sur le prix final.
Par ailleurs, l’octroi de mer est souvent perçu comme inéquitable. Sa contribution aux recettes des collectivités locales, bien que substantielle, ne compense pas le sentiment d’être ponctionné de manière disproportionnée, sans voir de retours tangibles en termes de services publics ou d’infrastructures.
L’urgence d’une réforme profonde
Il est temps de se poser la question de la pertinence de l’octroi de mer au 21e siècle en Martinique. Faut-il s’accrocher à un mécanisme archaïque sous prétexte qu’il apporte des recettes, au risque d’étouffer toute dynamique économique et sociale ? La réponse est non.
La Martinique mérite mieux qu’un impôt qui la confine dans un rôle de territoire assisté et sous-développé. Une réforme profonde de l’octroi de mer est non seulement souhaitable, mais indispensable. Cette réforme doit être l’occasion d’une réflexion globale sur le financement des collectivités locales et sur les leviers à activer pour un développement endogène et durable de l’île.
Plusieurs pistes peuvent être explorées :
- Une suppression progressive et compensée de l’octroi de mer, accompagnée de l’instauration de nouvelles recettes fiscales, plus justes et plus efficaces, qui ne pénalisent pas le pouvoir d’achat et la compétitivité.
- Une refonte totale du système, avec des taux réduits significativement et une simplification drastique, ciblant uniquement les produits de luxe ou les importations non essentielles, si l’objectif de protection des productions locales est maintenu.
- Un accompagnement fort des entreprises locales pour renforcer leur compétitivité, indépendamment de toute protection fiscale, en misant sur l’innovation, la qualité et l’exportation.
L’octroi de mer est une béquille qui, au lieu de soutenir, handicape la Martinique. Il est temps de la retirer et de permettre à l’île de marcher de son propre pas, vers un avenir plus prospère et plus juste pour tous ses habitants. La Martinique, avec ses atouts indéniables, a le potentiel de briller sans le fardeau de cet impôt aberrant.
Kamal VALCIN & Alizée BALTUS – Citoyens engagés.
Soyons UTILES pour notre pays.